31 mai 2006

En attendant la peau de Villepin, Zero nous propose celle de Chirac


Je suis face à un dilemme. Si vous êtes lecteur régulier de mon blog, vous aurez remarqué que chaque article est illustré d’une photo en médaillon. Mais là, avec qui illustrer ? Avec Chirac ? car oui je vais vous parler du film, ou avec Villepin pour vous rappeler qu’il n’a toujours pas été limogé ? ce qui est proprement scandaleux, d’autant plus que tout le monde à l’air de s’en foutre. Vive la France ! Vive la République !

Ces derniers mots, on les entend à maintes reprises dans le film de Zero Dans la peau de Jacques Chirac. Un montage de documents d’archive sur fond de fausse voix-off de Chirac, retraçant son parcours politique, ses principes, ses méthodes.

C’est pas mal en fin de compte. L’exercice est davantage comique que polémique, mais bel et bien réussit. C’est un film pour citoyen qui a besoin de détente, pas pour cinéphiles. Bien que ses deux attributs soit conciliables. L’un des principaux caractère de notre président mis en valeur par le film est son manque d’honnêteté le plus complet, et c’est peu dire. En somme, on a droit à une démonstration visuelle et sonore de ce que l’on sait déjà. Se pose alors la question du respect en politique. Chirac est un vaurien, Villepin devrait être traîné dans la boue, et Sarkozy n’est pas plus respectueux non plus, surtout à l’égard des sans papiers, même si une certaine fermeté peut être parfois nécessaire, néanmoins dans certains cas, elle s’avère injustifiable et inhumaine. Quid de l’éthique en matière de politique ? La compétition paraît tellement féroce que le respect du peuple, de ses adversaires, et de l’Homme, ne semble pas avoir sa place au sein de l’arène politique.
Mais les hommes ont-ils pu un jour gouverner sans avoir le souci de combattre leurs adversaires qui qu'ils soient ?

On pense immédiatement à Machiavel, pour qui la politique était loin d’être une lutte pacifique, mais les choses ont changé depuis. Tous sont obligés de se plier à des règles, mais ces règles semblent avoir faire leur temps, elles ne doivent pas disparaître pour autant, bien au contraire ; car désormais, c’est une autre attitude qui doit s’éteindre, et par la même laisser sa place à de nouvelles valeurs. Utopiste ? Sans aucun doute, mais si vous aimez Hugo, et comme aime à le rappeler mon ami Walid, « L’utopie est la vérité de demain ». Et puis pour la photo, oui, j’ai opté pour Machiavel, non sans ironie.

29 mai 2006

En attendant de trouver un sujet...


Il est hors de question de laisser mon blog mourir. Du coup, n’ayant pas vraiment d’idée d’article, et étant d’humeur médiocre (concept intéressant d'ailleurs, l'humeur, que regroupe-t-elle?), je vais faire ici ce que je préfère, communiquer sur ce que j’aime, ce que j’ai aimé, et, pourquoi pas, vous faire découvrir ainsi quelque chose, un film, un livre, une émission, un je ne sais quoi dont vous seriez peut être heureux de prendre la connaissance.

Pour commencer, Volver, le film d’Almodovar, les critiques en parleront mieux que moi, toujours est-il que j’ai mon mot à dire. Sorti de la salle, chacun était ravi, mais pas moi. Vraiment, je n’avais quasiment rien ressenti pendant la projection, tout juste avais-je souri à une ou deux reprises, mais jamais je ne fus ému. Ce n’est qu’après coup, laissant au film le soin d’occuper mes pensées les jours qui ont suivi, que j’en ai peut-être compris l’intérêt, pour ne pas dire la beauté, car la beauté se comprend-elle ?
Oui, c’est ça, Volver ce n’est pas un bon film, ce n’est ni un beau film, c’est quelque chose d’entre les deux, loin d’être mauvais, loin d’être laid, mais vraiment pas parfait. En fait, pour faire simple, Volver, c’est une femme.

Samedi, ça n’allait pas. J’étais dans une de ces journées où l’on ne sait plus vraiment pour quelle raison on est là, c'est réducteur mais simplement, voilà l'état dans lequel j'étais ; toujours est-il, qu’une fois levé, il fallait bien qu’elle passe cette journée.
Je ne savais pas où aller, ni quoi faire, mais fête des mères oblige, passage dans une librairie, recherche rapide, cadeau trouvé ; et bien plus encore puisque j’ai découvert ce livre qui a donné un peu plus de sens à ma journée. Ce livre n’a rien de méchant, ni de prétentieux, il s’appelle Voyage aux pays du coton, sous-titre : Petit précis de mondialisation, et a été écrit par Erik Orsenna. Ca se lit très vite.
Là encore, je vous renvoie aux critiques, mais vraiment je souhaite vous informer de la qualité de l’ouvrage. S’il est bien écrit, il n’a aucune prétention littéraire. Le concept est simple, Erik Orsenna a cherché à comprendre un peu mieux le monde dans lequel il vit en suivant une plante, une matière dite première, qui pousse aux quatre coins du globe, et que l’on trouve sur ses vêtements, ainsi que dans sa nourriture quotidienne, c’est le coton. Voyage aux pays du coton, c’est l’œuvre d’un curieux, et donc j’invite tous les curieux à le lire, d’autant plus que l’on est ravi de passer en tournant quelques pages du Mali aux Etats-Unis, des Etats-Unis au Brésil, du Brésil à l’Egypte.

Dans ce livre on croisera des lobbyistes américain, des babas généticiens bossant pour Monsanto, des Chinois très critiques à l’égard de la France, des hommes plein de bonne volonté, d’autres bien moins combattifs, bref de la diversité, donc de l’enrichissement et de l’ouverture, vraiment de quoi doper l’entendement. On pourrait disserter des lignes durant, et en somme je ne vous apprends rien de plus que ne le peut la quatrième de couverture, mais je préfère m’arrêter là et réitérer mon invitation à attaquer cet ouvrage, et en attendant que vous en commenciez la lecture, je vous remercie de m’avoir lu.

25 mai 2006

Histoire et mémoire : la République remise en question


Je ne me ferai ici que le modeste écho d’un débat qui anime la France depuis quelques années déjà, un débat qui peut paraître anodin, presque superficiel aux yeux de certains, mais qui touche en réalité à un groupe verbal bien mis à mal aujourd’hui : vivre ensemble.
Il s’agit d’un débat qui me passionne plus particulièrement étant donné que j’étudie l’histoire, je ne me voue pas forcément à la vocation d’historien, en revanche je me voue pleinement à celle de citoyen, voilà de quoi justifier cet article.

Dans le cadre de ce débat, plusieurs éléments sont à prendre en compte. Le premier est la Shoah qui, par son caractère d’événement historique incomparable, a été le moteur d’une dynamique mémorielle, et, on en comprend aisément la cause, c'est à dire le refus de la possibilité d'une réitération : plus jamais ça.
Second élément, le caractère pluriculturel et pluriethnique de la France, et de l’Europe de manière générale, trait dominant s’il en est de notre pays aujourd’hui. Troisième élément, les difficultés économiques que connaît notre pays depuis une trentaine d’année, qui se traduisent par des difficultés d’intégration et dont on pourrait ajouter comme facteur les politiques urbaines, mais aussi les politiques éducatives.

La logique mémorielle a commencé à s’installer voilà une trentaine d’année, c’est ce que l’historien Jean-Pierre Rioux appelle les Trente mémorieuses. Avant, rien de tel, la population, et certains groupes en particuliers ne manifestaient pas de revendications mémorielles. Ces groupes quels sont-ils ? Juifs, évidemment, mais leur revendication ne s’était pas faite dans la difficulté en raison de la reconnaissance unanime du caractère éminemment dramatique de la Shoah. Arméniens, qui en faisant pression sur le Parlement, ont permis, grâce à la loi du 18 janvier 2001 (voir le texte ici), de faire reconnaître le massacre des Arméniens de 1915 comme étant un acte génocidaire, ce qui exclut dès lors tout retour en arrière vis-à-vis de cette loi. Il ne faut pas oublier non plus la loi Gayssot qui sanctionne les discours négationnistes, visant particulièrement certains membres du Front National.

Avant cela, Chirac, avait reconnu en 1995 au Vel d’Hiv, la participation de l’Etat français à la Shoah. Vient ensuite la loi du 23 février 2005 sur le rôle positif de la colonisation française dont voici l’alinéa 2 de l’article 4 : Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit. (voir l’ensemble du texte ici).

À cela, il faut ajouter les attaques (à mon sens scandaleuses) du collectif des Guyanais, Antillais et Réunionnais, à l’encontre de l’historien Olivier Pétré-Grenouilleau pour son livre trois fois primé : Les traites négrières. Essai d’histoire globale. Cette affaire a précipité la formation d’un collectif d’historiens, qui signèrent une pétition, dite pétition des 19 (parmi lesquels René Rémond et Pierre Nora notamment), qui furent spontanément rejoints par six cent autres historiens français.

La situation aujourd’hui est très particulière, la République remet en cause son identité et donc son histoire nationale, forcément faite de mythes et façonnée par une idéologie qui n’est plus d’actualité. Pour en savoir plus, je recommande la lecture de l’ouvrage de René Rémond Quand l’Etat se mêle de l’Histoire, Stock, Paris, 2006, ainsi que celui de Jean-Pierre Rioux, La France perd la mémoire. Comment un pays démissionne de son histoire, Perrin, Paris, 2006, que je n’ai pas lu mais dont j’ai eu de très bons échos. Pour une réflexion sur le travail historique, un autre ouvrage que je n’ai pas lu mais qui est recommandé par la revue L’Histoire : Paul Ricoeur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Le Seuil, Paris, 2000.

Voilà, un article un peu rapide et forcément lacunaire, je reconnais que je ne suis pas expert sur les problèmes de mémoire et d’histoire mais j’espère vous avoir enrichit grâce à ces quelques pistes. Je reconnais le caractère un peu expéditif de mon analyse, mais j’invite en revanche chacun à réagir et à ajouter sa pierre à l’édifice, alors en attendant vos commentaires, je vous remercie de m’avoir lu.

24 mai 2006

Quand l'Histoire nous aura rattrapé...

Aujourd’hui j’aurais voulu parler de quelque chose de rigolard, de quelque chose de sympathique, parce qu’on aurait encore le droit de se faire plaisir ; erreur. J’en ai commis une oui, lire l’article de Seymour M. Hersh sur l’Iran. (cliquez pour voir l'article), et la déprime se fit inévitable.

Dommage, car je comptais écrire un essai de journalisme factice sur le flux incessant de ces jeunes urbains qui quitteraient leurs villes délétères, nourissant l’espoir d’aller élever des chèvres dans le Larzac, et qui se retrouveraient sans emploi ; ce qui n’aurait pas été sans causer de problèmes au préfet de l’Hérault qui aurait été quelque peu dépassé par la situation. Bon, tant pis.
Une fois rentré à la maison, j’allume la télé, LCI, et que vois-je? Qu'entends-je? Une nouvelle déclaration d’Ahmadinejad à nous faire oublier notre bonheur débonnaire de petits occidentaux gâtés, quel salaud.

Alors est-ce moi qui suis en train de devenir complètement parano ou la donne pourrait-elle réellement changer en quelques semaines ? Le spectre des opinions des experts est assez réduit en comparaison à celui des diplomates, ce qui n’est pas bon signe (voir l’article). Aujourd'hui les Iraniens ont testé un missile de moyenne portée. Curieux, à propos de l'Iran en général, je suis allé chercher sur Internet des informations, articles de presse, rapports de think-tanks et d’ONG. Ainsi je suis tombé sur le site www.iranfocus.com, j’ai cherché à savoir qui était derrière ce site mais je n’ai rien pu apprendre de plus que ce que le site affiche.

Au demeurant, le site ne fait pas preuve d’une partialité manifeste mais je recommanderai toutefois la prudence. Cependant on y trouvera moult informations fournissant matière à cauchemarder car oui, l’Iran me fait vraiment froid dans le dos et je suis atterré de voir qu’en dépit de l’affaire Clearstream, Villepin est toujours là, ce qui en soit n'a aucun rapport mais quand même! Ce soir, Demain me fait vraiment peur, peut être parce que même si l’on sait que Fukuyama avait tort, l’empreinte de la fin de l’Histoire a bel et bien marqué ma génération et le réveil risque d’être brusque ; et comme l’a si bien dit Walid : « en attendant d'être rattrapé par le pire», je vous remercie de m’avoir lu.

Au passage j'en profite pour annoncer la création du blog de Raphaël M., un ami, qui souhaite apporter sa pierre à l'édifice (en réaction à mon néo-libéralisme réactionnaro-salopard), souhaitons-lui bonne chance : http://mapierrealedifice.blogspot.com.

21 mai 2006

Réponse à Walid et Rafael : les acquis sociaux, expression de la solidarité nationale?


Voici une réponse à deux commentaires postés par deux amis, Walid et Rafael. Je les connais de l'Université et les cotoie régulièrement. Walid et Rafael, je vous salue. Walid et Rafael ont écrit ces commentaires en réaction à l'article Garden Party At l'Elysée, et surtout en réaction à la dernière phrase où je remettais en cause les acquis sociaux de la France.

Je ne remets pas en cause le fait que les acquis sociaux soient en France une expression de la solidarité, et que cette solidarité ait fait de la France un grand pays, cependant à votre instar je ne suis pas d'accord pour dire que ce sont ces acquis qui la font tenir, à mon sens ils en sont pour beaucoup des maux que connaît notre pays aujourd'hui. Je ne dis pas qu'il faut détruire le droit du travail, je dis qu'il faut le remanier, je ne dis pas que l'on devrait interdire la grève, mais qu'il devrait y en avoir moins souvent (tout comme les manifestations), ce n'est pas normal de bloquer un pays (comme en 1995), alors même que les élections avaient eu lieu sans candidat FN au second tour. Un constat : notre pays est dans une situation d'immobilité.

Il est impossible d'entreprendre quoique ce soit qui aille à l'encontre du bon vouloir des syndicats, et d'une partie de la population qui manifeste à leurs côtés. A mon sens, il va falloir passer par une période douloureuse mais nécessaire de remise en cause sérieuse de notre système politique et du fonctionnement de l'Etat, mais n'oublions pas que nous avons la chance de vivre dans une République démocratique et que tout ce que l'on perd, c'est peut-être pour mieux le reprendre plus tard. N'oublions pas non plus que l'Etat n'était pas là à l'origine de l'Histoire, c'est une construction historique, et donc un outil plus qu'une fin en soi. Rendre l'Etat trop prépondérant dans la vie des hommes (en faisant de lui le principal employeur par exemple) c'est renier aux hommes une partie de leur humanité. Enfin, vous me dites en ce qui concerne les acquis : "les supprimer ou les affaiblir c'est saper le ciment de la société française. Les renforcer ou les moderniser c'est consolider la cohésion nationale".
Quel est donc ce ciment qu'on a utilisé pour construire la société française? Car je n'en achèterai pas pour construire ma baraque, non, nous vivons dans une société figée et communautaire. Où sont les représentants des immigrés de seconde génération à l'ENA? Quant à renforcer ces acquis c’est, à mon avis, la pire erreur que l'on puisse faire, car il faut savoir que tout cela coûte cher, et que cet argent ne vient pas de nulle part, et que par conséquent il faut qu'il y ait de l'argent sur notre territoire pour que le système fonctionne : en gros il faut créer des richesses et en attirer. Cela ne peut être le cas si les entrepreneurs ne peuvent entreprendre et si les investisseurs ne peuvent investir. Il faut donc permettre la présence de numéraire sur notre territoire. Les moderniser je suis tout à fait d'accord, et cela passe d'autant plus par une refonte de l'histoire nationale, détruite par les historiens depuis l’école des Annales, qui doit être reconstruite par les historiens, en tenant compte de tous, en ne cédant pas au Désir de shoah et en agissant dans le cadre de la vérité (mission impossible ?).

Mais il me semble, du moins je l'espère, que vous et moi nous entendons la même chose lorsque d'un côté vous parlez de modernisation et que de l'autre je parle de destruction, mot brutal, que je n'aurai peut-être pas dû employer, mais qui traduit une volonté de modernisation. Voilà pourquoi j'en appelle à la confiance et à la responsabilité. Perdre un peu d’Etat, c'est pour moi donner plus de valeur aux relations entre les hommes, et donner du sens au mot Humanité. La responsabilité est à l’origine de la confiance et inversement, j’espère même qu’à termes tous, nous rentrions dans cette dynamique de confiance et de responsabilité, car il y a beaucoup à faire et je pense notamment au continent Africain.

Enfin, je vous renvoie à deux lectures, deux œuvres d’Alexis de Tocqueville. La première, c’est en réalité la Seconde Démocratie en Amérique, et en particulier les chapitres qui traitent du Pouvoir social. Puis, une autre, tout à fait d’actualité et dont vous avez déjà entendu parler : L’Ancien régime et la Révolution. Loin de moi l’idée de vous donner une leçon, je veux peut-être vous convaincre, mais surtout garder la porte de ce débat ouverte, pour que ce soit ensemble que nous avancions ; et en attendant vos prochaines réactions, je vous remercie de m'avoir lu.

Quelle modalité pour la Science de Demain?


Aujourd’hui, aucune science ne semble émerger, sortir du lot, et renouveler ainsi le champ de la compréhension des activités humaines. On croit fonder des espoirs dans une science apparue au cours du siècle dernier, une science dite politique, qui ne regroupe cependant que d’autres domaines d’application comme l’Histoire, le Droit, la Philosophie politique et la Sociologie (ces deux dernières étant d’ailleurs étroitement liées).
La sociologie, parlons-en. À la fin du siècle dernier, elle était promue à un bel avenir et s’était imposée grâce à un Durkheim en France, ou encore grâce à un Max Weber en Allemagne, comme étant la science de la modernité. La sociologie, qui rentre dans le cadre des sciences sociales, est jouxtée par l’ethnologie, ou encore par l’anthropologie. Cependant, ses productions n’ont pas été à la hauteur de ses ambitions.

Toutefois, la sociologie et les sciences politiques en général, ont permis une approche rationnelle et vraisemblable de la modernité. Elle semble aujourd’hui s’être essoufflée et l’on sent qu’elle a échoué dans le temps, pas ponctuellement. On pourrait développer sur les facteurs de cet échec, le plus important étant un facteur épistémologique. Les sciences sociales ne peuvent prétendre rivaliser avec l’épistémologie des sciences dures. Ces dernières, motrice du progrès scientifique, dont découle le progrès tout court, suivent un développement exponentiel, ou presque, à mesure qu’elles se développent. En somme : où en sommes-nous ? En l’absence de grands penseurs contemporains, et face à une segmentation de plus en plus forte de la société, et des champs de recherche en particulier, quelle est la pratique qui serait en mesure d’accompagner l’homme sans trop de heurts jusqu’à son destin ?

Pour ma part, il me semble que nous allons assister à l’apparition d’une nouvelle modalité des sciences (humaines et dures), une modalité dite éthique, qui dépasserait les clivages savants, qui trouverait sa traduction dans le droit, et des applications tant scientifiques que politiques et sociales. Pourquoi cela ?

Tout d’abord à cause de la densification des réseaux humains, qui rendent les relations entre ces derniers de moins en moins compréhensibles les unes à l’égard des autres. Il est de plus en plus difficile de distinguer où l’on fait le bien et où l’on fait le mal. Deuxièmement parce que les hommes ont atteint un degré de développement tel qu’ils en sont à modifier le fonctionnement de la planète, remettant en cause la continuité de leur existence sur cette terre, il s’agit là d’un simple réflexe de survie. Troisièmement parce que les hommes, grâce à la science, sont capables de concurrencer la nature en ce qu’elle donne la vie, et en la forme qu’elle lui donne.

En conséquence, un pas en avant va être fait dans la perception de la temporalité. D’une temporalité immanente, remplacée par une temporalité donnant une primauté à l’actualité (cf. Qu’est-ce que les Lumières, Kant), il est possible que l’on passe à une temporalité tournée vers l’avenir.

Tout cela reste à préciser, et je sens que je manque cruellement de méthode dans cette analyse, mais au moins voilà une pensée que je n’aurai pas laissé passer, et en attendant la prochaine, je vous remercie de m’avoir lu.

16 mai 2006

De l'occupation (de se prendre pour Roland Barthes)


Il est une caractéristique qui semble constante à tous les hommes. Celle-ci tient à son degré d’occupation et il paraît que plus l’homme est occupé à des activités qu’il ressent comme étant aliénante, plus il est à même d’aller chercher refuge et complaisance auprès des autres, et plus donc il est vide, à tous les niveaux : moral, politique, social, créatif, et j’en oublie sans doute.

L’occupation. Le terme appelle déjà la notion de temps, car le temps est occupé par des activités, et s’il en est une pour laquelle on ne doit pas oublier de consacrer du temps, c’est bien l’inoccupation, la flânerie, la balade pour certains, le doute méditatif pour d’autres.
C’est pourquoi la plénitude se trouve dans une action de réflexion, abstraction faite de tous les enjeux périphériques, libre dans ses formes, mais devant nécessairement être existante dans le fond.

À ce titre, l’homme doit se méfier des activités qui, procédant d’une libération aux occupations forcées, remplacent ces dernières par les créations de quelqu’un d’autre. L’homme doit s’en méfier, et non pas s’en passer, car si ces activités peuvent l’aider et, c’est heureux, le distraire, elles ne peuvent cependant lui omettre sa propre introspection.
Comme c’est bon de se prendre pour Roland Barthes, et en attendant demain, je vous remercie de m’avoir lu.

15 mai 2006

L'analyse factorielle : quésako?


Voici une fiche de lecture préparée dans le cadre d’un cours d’informatique de la Licence d’histoire de mon université. Le livre en question est l’ouvrage d’Antoine Prost Le vocabulaire des proclamations électorales de 1881, 1885 et 1889.

En quelques mots, cet ouvrage, qui est passé pratiquement inaperçu dans l’historiographie française, a constitué un tournant dans le sens où il explorait les possibilités qu’offre l’analyse factorielle pour l’historien. Analyse factorielle ? Je vous vois déjà vous enfuir en courant. Ce n’est pourtant pas si compliqué que ça, et l’outil est extraordinaire. Voilà donc le résumé de ce bouquin. Vous y trouverez les raisons pour lesquelles A. Prost a choisi de travailler sur ces sources que sont les proclamations électorales.

Plus que le contenu de l’analyse, c’est l’analyse elle-même qui est intéressante. Pour plus de renseignements sur les analyses factorielles, dont je ne détaille pas le fonctionnement ici, je vous conseille, comme on me l’a conseillé, le Que sais-je de Philippe Cibois intitulé L'analyse factorielle. Pour voir à quoi ressemble un graphique d’analyse factorielle, tappez tout simplement « analyse factorielle » dans google puis allez voir les résultats du côté des images.

Si je mets l’exposé en ligne c’est pour deux raisons. La première, garder une trace, la seconde rendre accessible ce travail à tous ceux qui ont du mal à comprendre l’intérêt de cette pratique, et Dieu sait s’il y en a autour de moi. Mon professeur m’ayant assuré de la qualité de mon travail, c’est sans vergogne donc que je vous le rends disponible. Veuillez au passage excuser les quelques coquilles qui doivent traîner par-ci par-là, je n’ai pas eu le courage de revenir plusieurs fois sur le texte.

Alors, en attendant que je mette prochainement en ligne les résultats d’une analyse factorielle, que j’aurai effectué moi-même (les sources sont les State of the Union Address, de G. Bush à W. en passant par Clinton), je vous remercie de m’avoir lu, que vous continuiez plus bas ou que vous décidiez d’en rester là.

Tout d’abord une courte bio d’Antoine Prost :

Antoine Prost est un historien français né en 1933 à Lons-le-Saunier (Jura).

Il suit une formation classique : École normale supérieure de le rue d'Ulm puis obtient l’agrégation d'histoire. Il soutiendra sa thèse d'État en 1975 : Les Anciens combattants et la société française (1914-1939).

Il débute comme professeur de lycée à Orléans, avant de devenir maître-assistant à la Sorbonne. Professeur universitaire à Orléans (1966-1979) puis à Paris-I depuis 1979, Antoine Prost est un historien de la société française au XXe siècle à travers l'étude des groupes sociaux, des institutions et des mentalités, notamment.

Spécialiste des questions d'éducation, il collabore à plusieurs reprises à la définition des politiques d'éducation depuis 1964.

Il a dirigé également le Centre de recherches sur l'histoire des mouvements sociaux et du syndicalisme, devenu le Centre d'histoire sociale du XXe siècle..

Malgré ses nombreuses activités à Paris, Antoine Prost se veut résolument « provincial ». Il réside toujours à Orléans, ville dont il fut maire-adjoint. Il est président de l'association Le Mouvement social et de l'Association des amis du Maitron.

Les sources
On ne définit pas le vocabulaire politique comme étant un champ fermé car « ce que nous cherchons, c’est précisément ce que nous ignorons ». Le vocabulaire politique est défini par sa situation politique, donc il y a des vocabulaires politiques, chacun relatif à sa situation particulière.
Si Antoine Prost et son équipe ont choisi ces professions c’est pour plusieurs raisons :
- Il s’agit des situations de communication politique les plus larges, aussi large que le corps politique.
- On est obligé d’y parler pour tout le monde, ce qui simplifie l’interprétation des différences que présente leur vocabulaire.
- On ne se pose pas le problème du genre littéraire : il est homogène.
- Le public est identique pour tous les candidats.
- Le sujet est central : la politique, par-delà de toutes les politiques partielles.

Ce choix des sources est particulièrement rigoureux et donc potentiellement riche en résultats.

Objectif visé
Citons Antoine Prost : « l’apport de la lexicologie est de systématiser cette recherche des contenus implicites des textes » : mettre en valeur les sous-entendus volontaires et inconscients avec un but : une meilleure connaissance des mentalités et des attitudes latentes.

Méthodes et matériel utilisé
Antoine Prost et son équipe ont utilisé deux outils méthodes pour analyser ce lexique : l’inventaire et l’analyse structurale.
L’inventaire lexical c’est la fréquence des emplois des mots, c’est la préoccupation centrale puisqu’il va dégager la base sur laquelle on va travailler dans le cadre de l’analyse structurale.


I – Elections de 1881, 1885, 1889 : l’analyse statistique du vocabulaire des proclamations électorales


A – la méthode : inventaires comparatifs et statistiques


Pour en revenir à l’inventaire. Chaque mot étudié ne donne pas par sa fréquence dans les proclamations de sens à cette présence. Pour voir quel sens il pourrait avoir il faudrait le comparer à d’autres termes du même registre (France, avec pays, nation ou patrie). Ensuite il faut chercher à savoir si l’emploi de ce terme correspond à une opinion.

Pour ce faire, A Prost a décidé de ne pas se contenter d’un inventaire global, mais de réaliser deux inventaires partiels, l’un de droite et l’un de gauche. Cette division est un choix on aurait très bien pu en choisir une autre mais dans le cadre d’une analyse du vocabulaire politique, il allait presque de soi de faire une distinction politique.

Le dernier problème dans la définition des sources étudiées c’est le problème de l’ampleur de ces sources, il fallut donc trouver un système qui permettait de travailler sur des échantillons et qui respectait bien un maximum de caractéristiques de l’ensemble de la source au départ. Deux solutions s’offraient à A. Prost : la technique des strates, on divise les proclamations en groupes selon les orientations et les appartenances des députés et l’on en étudie les proclamations de manière proportionnelle par rapport au tout ; soit on peut utiliser la méthode dite de saturation qui consiste à dépouiller les échantillons et à dresser une liste des fréquences de vocabulaire et de se cantonner à cette liste une fois qu’elle est stabilisée. Pour eux elle s’est stabilisée autour de 5000 mots.
C'est ce qu'on appelle l'utilisation de la méthode à fréquence contrastée.
Caractéristiques statistiques de ces professions de foi :
Le vocabulaire est tout aussi riche à droite qu’à gauche et c’est une constante dans le temps : 1881, 1885, 1889.
La gauche emploie plus de substantifs et d’adjectifs que la droite et toujours moins de verbes et d’adverbes que la droite, on a donc une gauche que l’on pourrait qualifier de « substantive » et une droite qui serait elle « verbale ».


B – Le vocabulaire de 1881


L’étude du vocabulaire de 1881 donne déjà des résultats intéressants.
Tout d’abord concernant le vocabulaire absent ou marginal.

Premièrement le vocabulaire absent, ou presque, est celui des étiquettes politiques. « dire clairement qui l’on est c’est risquer de perdre des voix ». Opportuniste, opportunisme, socialiste, bonapartiste, monarchiste sont pratiquement absents. On leur préfère les termes de républicain ou conservateur.

Deuxièmement, le vocabulaire des classes sociales est très marginal (ouvrier, paysan, agriculteur), on préférait parler d’électeur ou de citoyen.
On a une répartition des termes assez classique finalement compte tenu du clivage choisit : république est à gauche, religion et agriculture sont à droite.

Les idéaux de la République sont marginaux eux aussi, du moins fraternité, qui n’apparaît nulle part, égalité qui n’apparaît que très peu, alors que liberté apparaît 31 fois à gauche et 53 fois à droite, ce qui est beaucoup.

Autre vocabulaire marginal, et on pouvait s’y attendre c’est le vocabulaire des générations, les mots jeunes, adolescents, vieillards, vieillesse.
Enfin, le vocabulaire de la revanche contre l’Allemagne est quasi-inexistant.
Intéressons-nous maintenant au vocabulaire commun.

Évidemment en tête du vocabulaire commun on a les mots outils du français fondamental, puis, et c’est plus intéressant, le vocabulaire électoral de base (gouvernement, ministère, majorité, mandat etc…). Ce vocabulaire lorsqu’il est politico juridique est à gauche. Donc Gauche et Droite ne diffèrent pas seulement dans leur orientation mais bien aussi par leur approche même de la politique.

Autre part du vocabulaire commun, celui des impôts, de la fiscalité, présent en parts égales à droite comme à gauche.
Enfin, regardons maintenant le vocabulaire qui diffère.
Ce vocabulaire dépeint deux climats clairement différents. D’un côté, une droite pessimiste qui utilise le vocabulaire de la menace et du danger, et à gauche on remarque l’expression de valeurs dont la fréquence exprime la certitude, tout autant que la métaphore de la voie, de la route, du progrès : en somme celui d’une œuvre à achever.

Des thèmes distincts à droite et à gauche.
À droite la politique extérieure, la religion, la famille. À gauche, le vocabulaire des institutions, des idées abstraites, de l’ordre de la philosophie de l’Etat.
Il y a aussi des termes que l’on ne peut classer ni à droite ni à gauche : Liberté, révolution, droit, principes, pays, France, nation, patrie.

On a pu voir ici que l’analyse statistique permettait d’atteindre des mentalités ignorées, lorsqu’elle s’attaquait à des termes ignorés. Il faut donc voir pour les autres élections s’il s’agit de tendances accidentelles ou profondes.

C – Le vocabulaire de 1885


L’élection de 1885 est particulière. Le scrutin de liste est départemental, il s’agit donc de professions de fois collectives, dont A. Prost suppose qu’elles estompent les idées propres à chaque colistier pour traduire des dénominateurs communs.

3 listes à étudier : union des droites, liste républicaine modérée et liste radicale.
Union des droites, donc une gauche et une droite qui sont moins inégales.
Qu’est-ce qu’il a pu remarquer ?

Premièrement des thèmes nouveaux. À l’initiative de la Droite, le vocabulaire de la contestation.

Il se trouve lié à deux domaines : la politique économique, et la politique coloniale.
Cela se traduit aussi par un glissement vers la droite des thèmes nationaux ou patriotiques.
Des thèmes nouveaux oui, mais aussi des thèmes persistants.

Toujours à gauche le vocabulaire des institutions, et à droite celui de la religion.
L’analyse du vocabulaire de 1885 permet aussi de déceler des mentalités différentes.
La droite est toujours caractérisée par l’expression de son pessimisme, d’idées à valeur morale telles que la faute, la morale et le dévouement. La Gauche elle parle d’action et d’idées et la réalisation et de l’accomplissement de ces idées.

Dans ce chapitre A. Prost se livre aussi à une analyse des divergences entre radicaux et opportunistes.Italique
Les radicaux se caractérisent par leur originalité au sein du bloc de gauche qui se traduit par des critiques en matière de politiques économique et coloniale. Se distinguent dans leurs proclamations deux épithètes, le premier étant petit, le second démocratique.
Par ailleurs, les radicaux se nomment et prônent davantage le suffrage universel.
Pour les opportunistes, la référence majeure est la référence à la République, leur politique est républicaine, et ils parlent davantage de programme que les radicaux.
En 1885, deux oppositions, majeure et secondaire : droite/gauche ; radicaux/opportunistes.


D – Le vocabulaire de 1889


Les élections ont lieu les 22 et 29 septembre et furent dominées par la question du boulangisme. Il y avait eu des élections partielles à Paris le 29 janvier qui furent un succès pour le général Boulanger. Cela conduisit la majorité à prendre des précautions pour les élections de septembre, précautions qui se traduisirent par trois mesures :

- renoncement au scrutin de liste, et retour au scrutin uninominal dit scrutin d’arrondissement.
- l’interdiction des candidatures multiples, pour interdire à Boulanger de se présenter dans tous le pays et donner ainsi à l’élection le caractère d’un plébiscite national.
- Enfin, en août, jugement et condamnation de Boulanger.

L’échantillon est donc constitué à droite de conservateurs et de boulangistes, à gauche des opportunistes et des radicaux, toujours.
C’est à droite qu’apparaissent des traits nouveaux, en plus de la permanence des autres thèmes constants au cours des trois élections, thèmes constants comme la religion.
Le nationalisme apparaît en force, mais en réalité si on compare avec les élections de 81 et 85 on constate qu’il s’agit davantage d’une tendance de fond consacrée, il est vrai, par le boulangisme, mais il n’y a en tout cas pas de rupture.

La critique de la politique coloniale a disparu à droite, forcément, Boulanger, et son ultimatum à l’Allemagne, avaient failli provoquer une nouvelle guerre.
Autre trait intéressant et tendance là aussi de fond, la banalisation du terme République à droite, l’analyse montre bien que les critiques portent désormais sur la politique quotidienne des républicains et non plus sur le régime de la République. Cette critique des républicains se traduit par un souci polémique d’honnêteté et d’économie des finances.

Alors, y a-t-il des transformations parallèles à gauche ?
La Gauche elle, présente une interface moins dynamique, il faut dire qu’elle est désunie, ce qui n’était pas le cas aux élections précédentes. Elle a tendance à se présenter comme l’instrument d’une continuité. Devant faire silence dans certains domaines comme l’économie, là où elle est attaquée. Elle crée pour ainsi dire un nouveau front, celui de la question sociale, et tenta timidement d’y apporter une réponse.

Au total on voit donc bien que l’élection de 1889 estompe certains thèmes, et pose de nouvelles bases, en deçà des constantes comme je l’ai déjà souligné.

L’analyse fut satisfaisante car elle a pu déceler de grandes tendances. Mais Antoine Prost n’en attire pas moins l’attention du lecteur sur les limites de la méthode d’où la nécessité du recours à l’analyse factorielle.


II – L’analyse factorielle du vocabulaire des élections de 1881 puis de 1889


A – La méthode de l’analyse factorielle et ses enjeux


L’analyse factorielle est un procédé complexe dont on ne saurait revenir sur les détails.
Ce qu’il faut en retenir c’est la fidélité du procédé.

L’analyse statistique de fréquence contrastée mettait de côté certains aspects pour mieux en révéler d’autres, mais elle ne traitait pas la source dans le caractère entier de sa dimension.
L’analyse factorielle permet de restituer graphiquement, mais de manière abstraite toute la complexité des données initiales en manifestant des liaisons de fait et les correspondances qu’il serait possible de déceler derrière cette complexité. Elle n’interprète pas, mais elle permet de révéler des similitudes, des distances, et des dépendances occultes. À l’historien ensuite d’interpréter ce qu’il a sous les yeux.

L’analyse factorielle passe donc par l’utilisation de facteurs. On peut avoir autant de facteurs que la plus petite dimension de la matrice de départ. Ce qu’il faut comprendre c’est que l’extraction des facteurs est une opération mathématique qui porte sur des nombres et non pas sur des sens. Les facteurs n’ont donc pas de sens et à l’historien d’en donner car les facteurs permettent des regroupements qui sont bien réels.

Chaque facteur est à la fois facteur pour l’ensemble des députés étudiés et pour l’ensemble des termes, et l’interprétation des groupements de députés est solidaire et ne peut se dissocier donc des constellations de termes puisqu’on cherche avec cette analyse à croiser termes et députés.
Au total A. Prost et son équipe ont établi 5 facteurs, qui se comprennent de manière dégressive. Le premier est plus important que le second, qui est plus important que le troisième etc…

Cette technique nécessite d’intégrer en priorité les données qui sont les mieux entrecroisées car les cas exceptionnels, type un mot utilisé par un député, se trouverait en marge du graphique, flotterait loin du reste, sans possibilité d’en donner une analyse, c’est donc une donnée inutile.

On a pour résultat des diagrammes dans un espace à deux dimensions, avec deux axes F1 et F2, axes qui rappellent des nuages de corrélation. Il ne faut pas interpréter les diagrammes selon le schéma, car les facteurs sont construits de sorte à ce que la corrélation soit nulle. La signification qu’on donne à des axes résulterait alors d’une interprétation de l’historien et ces axes ne peuvent êtres considérés comme une grille de lecture.


B – la configuration lexicale et politique de 1881


L’analyse factorielle a été réalisée grâce à un procédé informatique. Elle a été effectuée sur tous les députés, soit 554 individus, donc 554 proclamations, avec une fiche par député, et seuls 53 vocables ont été retenus pour l’analyse. Ces 53 vocables choisis l’ont été non pas en raison de leur fréquence mais bien en raison de leur sens. On a donc parmi les vocables étudiés des termes de fréquence très différenciée, à la fois donc ceux qui marquent nettement les divergences politiques à la fois ceux dont on atteste qu’ils soulignent davantage la convergence politique.

Au terme de l’analyse A. Prost est parvenu à situer avec précision les députés les uns par rapport aux autres en fonction des termes employés dans leurs professions de foi électorales. L’analyse permet donc de dépasser les étiquettes politiques pour se concentrer sur les hommes et leurs discours.

Le principal résultat qui a été obtenu fut un clivage Gauche/Droite, petite déception car il est apparu que la structure du langage politique est donc bel et bien proprement politique, et comme l’écrit A. Prost : « L’histoire, ici, l’emporte sur la linguistique ».

Mais ce résultat ne pouvait en réalité que souligner les limites de la méthode employée, rappelez-vous des 53 vocables choisis en fonction de leur sens. En réalité, et je cite une nouvelle fois Antoine Prost : « Nous avons retrouvé au terme de l’analyse l’hypothèse même qui avait présidé au choix des données ».

L’analyse est fructueuse tout en faisant preuve de limites manifestes. Elle nécessitait donc d’être mise à l’épreuve une nouvelle fois. Ce sera fait avec les élections de 1889, car celle de 1885, rappelons-le ne pouvaient pas fournir la matière d’une analyse factorielle irréprochable. En effet, le scrutin de liste polarise, comme le souligne A. Prost, les élections entre deux ou trois tendances, et fait donc reculer les particularismes individuels en réalisant à l’intérieur de chaque liste une sorte d’agrégation des nuances politiques.


C – La configuration lexicale et politique de 1889


Echantillon : d’abord de 36 puis de 113 députés, 1/5 de l’ensemble, choisis en fonction de deux critères croisés : la tendance politique, la région représentée. C’est un choix qui procède d’avantages comme d’inconvénients, les avantages l’emportant.

On a vu que pour les élections de 1881, le problème portait sur le choix subjectif des termes analysés. Là, pour 1889, A. Prost et son équipe ont effectué le plus objectivement possible un échantillon de termes.

Comment cela a-t-il été fait ?
Je vous ai dis que l’échantillon initial était de 36 députés avant d’être de 113. Hé bien c’est au sein de cet échantillon qu’a été effectuée la liste des termes à analyser. Au total, 240 termes avec un critère, une fréquence totale supérieure à 10 dans cet échantillon initial. D’emblée une première limite à l’analyse car ces 240 termes n’aurait pas nécessairement été les plus fréquents dans les 113 listes définitives.

Quoiqu’il en soit, conformément au parti pris en amont de l’étude concernant la définition du vocabulaire politique, A. Prost et son équipe ont choisi d’incorporer à l’analyse des mots dénués de sens à proprement parler.

Malgré tout, la conclusion de cette seconde analyse factorielle fut probante et on peut distinguer trois caractéristiques majeures.

Premièrement, se dégage clairement une opposition Gauche/Droite, cette fois-ci particulièrement solide du point de vue de la méthodologie employée.
Second élément d’interprétation, un centre politique vague dans ses objectifs, peu critique du gouvernement et peu soucieux de se lier les mains, face à une périphérie plus critique parlant davantage des fins visées par la politique que de ses moyens.
Troisième élément d’interprétation, l’opposition de la thématique de la révision constitutionnelle à celle des affaires. Troisième élément qui se distingue du second élément d’interprétation, car il ne dépend pas de l’attitude à l’égard du gouvernement.

Au terme de cette analyse A. Prost souligne que ce travail ne permet pas d’éluder la lecture des proclamations. L’analyse factorielle n’est qu’un outil qui vient compléter ce travail un peu à la manière d’un microscope. Deuxièmement, l’analyse en fonction de la fréquence des termes a contribué à écarter des termes significatifs et c’est une limite qu’il faut aussi avoir en tête. Donc au final le bilan peut paraître relativement douteux.

Le problème de ce genre d’analyse, c’est que : ou bien on a des résultats très nets comme en 1881, mais les fondements prêtent à contestation, ou bien on a des bases irréprochables et on ne parvient pas à aboutir à des conclusions nettes.

Finalement cette analyse abouti donc sur des conclusions solides, puisque même l’analyse portant sur des données qui ne sont pas signifiantes et avec des termes neutres a permis de dégager un facteur droite/gauche ainsi que de deux autres grilles de lectures plus complexes que j’ai exposé plus haut : « c’est la découverte d’un ordre dans un magma, d’un sens inhérent au langage au-delà de ce qu’il vise explicitement ; et cet ordre et ce sens sont politiques. Voilà la conclusion fondamentale qu’autorise l’analyse factorielle des proclamations de 1889 ».


D – L’évolution : primat des orientations politiques ou des problèmes ?


Malgré le fait que les données soient difficilement comparable d’une élection à l’autre, à cause d’une démarche sans cesse plus fine, A. Prost et son équipe ne pouvaient passer outre une analyse diachronique du vocabulaire de 1881 et celui de 1889.

Cela les a conduits à procéder à deux nouvelles analyses factorielles avec leurs problèmes méthodologiques, cela va sans dire, étant donné le traitement préalable des données.
Ces deux analyses furent convergentes, remarquablement convergentes même d’après A. Prost. Alors que soulignent-elles ?

Une nouvelle fois, et dans un premier temps, l’opposition de la Gauche et de la Droite. Les continuités sont plus donc plus fortes que les évolutions : « la synchronie l’emporte sur la diachronie, la structure sur les évènements ».

Une nouvelle fois, il y a des limites à ce résultat et cette limite tient à la nature même des sources et au caractère rituel qui fige l’expression, si bien que la continuité du vocabulaire électoral n’autoriserait pas à affirmer la continuité globale du vocabulaire politique.

Autre réserve : le laps de temps très court : huit années. Dès lors observer la persistance d’une structure bipolaire n’a rien de surprenant. Or si on prolongeait l’enquête la structure diachronique pourrait prendre le dessus, la question étant de savoir à quel moment se produirait ce retournement.

En somme la question que pose A. Prost est celle de l’identification des temps de rupture et de discontinuité dans l’évolution politique. A. Prost invite ainsi à prolonger et à élargir ce type d’enquête, de façon systématique, pour peut-être reconsidérer la périodisation de notre histoire politique « que les révolutions, les guerres ou les coups d’Etat jalonnent empiriquement ».


En conclusion
Antoine Prost procède à un examen critique des conclusions obtenues et des méthodes.

En premier lieu il pose une question, qui vous paraît plus que manifeste j’en suis sûr :
« Ne suffisait-il pas de lire les textes avec l’intelligence en éveil pour aboutir à ces remarques?»

Selon lui il s’agit d’un faux débat, car le fait que la méthode qualitative aboutisse aux mêmes résultats que la méthode quantitative prouve bien l’efficacité de cette dernière. D’autre part les méthodes quantitatives permettent une analyse plus fine et attire l’attention sur des termes d’apparence anodine dont il faut procéder à l’examen. Pourquoi boisson est-il à gauche ? Pourquoi menacer est-il à droite ? Voilà l’avantage des méthodes quantitatives.

La conclusion, si naïve soit-elle d’une opposition de la droite et de la gauche implique trois corollaires importants.

Premier corollaire, cette opposition prévaut au niveau le plus élevé sur les autres distinctions, et c’est une chose que l’on peut affirmer avec certitude pour les élections de 1881, 1885, 1889. Ce n’est peut-être pas le cas pour d’autres élections.

Second corollaire, cette opposition, qui est permanente au cours des trois élections, suggère que le vocabulaire électoral est déterminé davantage par les orientations politiques que par les conjonctures. Plus précisément, on voit qu’il y a développement d’un vocabulaire politiquement orienté propre à chaque conjoncture. L’opinion domine donc les préoccupations.

Troisième corollaire, auteurs et vocabulaires étant lié on peut procéder à l’inverse et par le résultat obtenu permettre d’inférer du message aux caractères de leurs auteurs ou de leurs destinataires.

A. Prost revient ensuite sur les limites méthodologiques du travail effectué que je vous ai exposé au fil de cette présentation.
La valeur de cet ouvrage dans l’historiographie française est certaine. A. Prost et son équipe sont les premiers à avoir utilisé de telles méthodes d’analyse à des fins historiques, elles diffèrent d’une élection à l’autre, on l’a vu. L’analyse de 1881 et celle de 1889 ne reposent pas sur le même type de données, et pour cause, l’appareil informatique qui allait servir pour 1889 n’existait pas lorsqu’ils étudiaient l’élection de 1881, ils ont donc procédé à un découpage différent des données.

Néanmoins, ce travail met bien en valeur l’apport considérable pour l’historien que constitue les méthodes analytiques de la statistique et de l’informatique. Ces outils ouvrent des champs de recherche nouveau à condition que l’historien soit alerte face au travail qu’il va effectuer et surtout face aux outils qu’il va utiliser. Ces méthodes aussi efficaces soient-elles ne peuvent écarter la nécessité d’objectivité, de cohérence et de rigueur qui sont propres au métier d’historien.

08 mai 2006

Henri Laborit - Biologie et structure : introduction


Voici le premier élément d’une longue série d’articles, qui seront amenés à se compléter successivement, afin de former une fiche de lecture digne de ce nom. Nous commençons aujourd’hui par l’introduction d’une des œuvres majeures du biologiste Henri Laborit, Biologie et structure, date de publication : 1968.
Quatre pages, guère plus en format de poche, pour permettre à Laborit de nous présenter les notions avec lesquelles il va jongler au cours de son ouvrage.
En premier lieu Laborit nous prévient qu’en dépit du titre de l’essai, c’est de peu de structure qu’il fera preuve face au lecteur puisqu’il s’agit d’une compilation d’articles et de notes destinées à des conférences qu’il a réuni dans ces cent quatre-vingt pages. L’ouvrage se présente donc davantage comme une méthodologie que nous avons voulu livrer à la critique, en l’exploitant dans des exemples choisis et peu nombreux.

Passons maintenant au contenu des notions mentionnées plus haut.
Première notion : la mémoire. De quoi est-elle composée ? De traces d’évènements énergétiques. Et ce n’est que leur réunion fréquente, statistiquement significative, qui dans certaines conditions nous amène à la notions d’objet. Le mot (mémoire) risque ensuite de cristalliser cet objet et ne plus nous permettre d’en dissocier les éléments énergétiques. Or, cette dissociation est nécessaire à l’imagination, car imaginer c’est créer de nouveaux ensembles avec des éléments d’origines variées. En somme, la mémoire est une construction que nous faisons dans le but d’assurer notre survie, puisque, et nous allons aborder la seconde notion, les évènements énergétiques qui nous entourent, et qui sont la base de notre mémoire, n’ont pas de « valeur » en eux-mêmes. Ils ne sont pas bons, ni mauvais ; en revanche notre survie exige que nous émettions ces jugements de valeur.

Laborit aborde ensuite l’entropie, envisagée comme expression du désordre. L’entropie traduit donc une absence de structure, et s’oppose à une structure plus ordonnée ; en somme on a une structure moins signifiante, qui s’oppose à une structure qui est davantage signifiante. La troisième notion réside donc dans le fait que ce qui est bon, beau, utile, etc., est ce qui est plus ordonné et plus signifiant. Cette troisième notion est donc une esthétique, que Laborit qualifie de science des relations. C’est la seule notion vraiment utile à l’Humanité puisque elle ne cherche pas l’utilité, elle la trouve. Et tout dépend de cette notion, puisque c’est elle qui rend l’action efficace, et qui rend l’homme conscient de son efficacité. Dès lors, l’efficacité consiste, en fait, à accorder ses actions à la structure du monde, structure qui devient la recherche essentielle et jamais finie de la vie humaine.
Mais cette efficacité ne contribue qu’à généraliser, c’est-à-dire à créer de nouveaux ensembles de relations, donc de nouvelles structures, englobant les ensembles préexistants, dont nous connaissons déjà les caractéristiques essentielles.

À la morale figée, s’oppose donc l’esthétique qui est en perpétuelle évolution, un système ouvert, puisque nous sommes les seuls responsables de l’enrichissement de nos structures. L’esthétique permet donc à l’homme son perfectionnement, et, de ce point de vue, les morales ne sont que des aide-mémoire à base de préjugés utilitaires.

Voilà donc pour ces notions, que nous aurons l’occasion de revoir je l’espère très vite, et, en attendant l’analyse du chapitre 1 : Mémoire et évolution, je vous remercie de m’avoir lu.

07 mai 2006

Garden Party At l'Elysée?


Princes, like beauties, from their youth
Are stranger to the voice of truth

J’offre ces vers écrits en 1727 par John Gay dans ses Fables, à M. Chirac qui fête aujourd’hui les 11 ans de son règne. Un règne qui a pu commencer grâce à un thème électoral fort, la « fracture sociale ». Mais un règne dont la réalité a largement trahi les ambitions réformatrices de 1995. Cependant Chirac est resté et l’immobilité avec, au prix du sacrifice de Juppé, Premier ministre tampon ; et grâce à la dissolution, qui nous avait permis de juger des capacités d’analyse de M. de Villepin ; que Chirac a eu la bonne idée de nommer chef du gouvernement en juin dernier.

Dès lors 2005 avait déjà un parfum de 1787 et il était inutile de faire preuve de trop de bon sens pour se rendre compte qu’un Premier ministre qui se réfèrait aux 100 jours, était un Premier ministre mort-né. Cela en dépit de toutes les aptitudes qu’il a pu déployer au Quai d’Orsay pendant de nombreuses années.

Onze ans d’exercice sont-ce onze ans de perdus ? Ce serait un constat sévère, peut être onze ans est-ce le temps qu’il faut à la France pour qu’elle décide des modalités de sa modernisation ? La sonnette d'alarme avait cependant été tirée bien plus tôt, rappelons que c'est en 1982 que Pierre Rosanvallon a publié La crise de l'Etat providence. Etat providence donc, retraites, banlieues, universités, les chantiers sont nombreux tant du point de vue économique, que social, et tant du point de vue des institutions que de la Constitution. Il y a un paquet de réformes merdiques à mener. Cela se fera avec un nouveau système politique, de nouvelles lois, mais aussi de nouvelles mentalités.

Confiance et responsabilité sont des valeurs qui doivent êtres adoptés et comprises par tous. Selon moi, voilà une des clés permettant l’avènement, dans le respect de l’ensemble des citoyens, d’une France nouvelle permettant la coexistence et le bien-être de tous les français, une France offrant des emplois à ses chômeurs, des travailleurs à ses entreprises, une rémunération à ses stagiaires, et des formations à ceux qui en ont besoin. En somme une France qui offrirait des raisons de rester à tous ceux qui la quittent et des opportunités, et non pas la misère, à ceux qui y arrivent, sans oublier de rendre de l’espoir à ceux qui n’en ont plus. Encore faudrait-il être assez ouvert d’esprit et ne pas camper sur des acquis qui bien que beaux, et d’une humanité sans pareil, jettent chaque jour quelques malheureux de plus dans la rue ; alors en attendant 2007, je vous remercie de m'avoir lu.

05 mai 2006

Comment je suis passé pour un con


Allez voir les commentaires du premier article publié sur ce site. Certains sont l'oeuvre d'un homme ou d'une femme envers qui j'exprime ici ma plus profonde gratitude. Il agit sous le pseudonyme de Barry Lindon, le frère de Jérôme. À l’évidence, c'est un homme cultivé et très marrant.

J'avoue maintenant, que, la première fois que j'ai rencontré son pseudo, j'étais ravi. Au lieu d'être déconcerté. Effectivement, j'avais écrit dans mon profil Barry Lindon au lieu de Barry Lyndon. Je tiens à préciser que Barry Lindon aka Barry Lyndon est un des films qui me permet de découvrir quelque chose de nouveau à chaque projection ; c'est ce qu'on appelle familièrement son film préféré. De ce fait j'ai l'air d'un gros con. Pas auprès de vous tous, mais à ses yeux je suis réellement passé pour un con, pas un abruti fini bien sûr, mais un con de bonne volonté, ce qui est moins grave.

À ce propos, je tiens aussi à préciser que j'ai corrigé l'orthographe du mot pilosité dans mon profil, mot auquel j'avais mis deux "l". Ce qui est d'autant plus risible car j'ai voulu faire de l'esprit en me moquant de quelqu'un qui se moquait de mon blog parce qu'il avait écrit "quel surprise" au lieu de "quelle surprise". Vous trouverez tout cela dans les commentaires du premier article. Là aussi, j'ai l'air d'un con.

J'en profite aussi pour vous annoncer que je ne ferai sans doute pas d'article sur Galbraith tant celui de Barry Lindon, qui, s'il était davantage cinéphile aurait pu choisir de s'appeler Barry Lindon le frère de Vincent, donne de si bonnes pistes pour attaquer l'oeuvre de Galbraith. Il ne s'agit pas de mon jugement, mais de celui bien plus éclairé de mon très cher et cultivé Papa, que je salue aussi.

Je suivrai néanmoins les conseils de Barry Lindon et de mon Papa, et lirais l’ouvrage de Galbraith sur la crise de 1929.

Dans l’expectative de ta prochaine intervention, Barry Lindon, le frère de Jérôme, je te remercie de tes commentaires et espère que tu ne t’arrêteras pas là. Et en attendant demain, je te remercie de m’avoir lu.

04 mai 2006

White Or Wrong


Le jeu de mot n'est pas de moi, il ne vient d'ailleurs pas de chez Libé non plus, puisqu'il s'agit en réalité d'un slogan employé par une firme commercialisant des crêmes blanchissantes à Hong-Kong. Cette affiche a été prise en photo afin d'illustrer un article de Thomas Fuller dans l'édition du 2 mai de l'International Herald Tribune, un article intitulé Glamour at a price in Asia , traduisez : Le prix à payer pour être Glamour en Asie. La lecture de l'article nous éclaire peu à peu sur l'intensité du double-sens que cache ce titre a priori peu accrocheur, tant les affaires de cosmétiques et de chirurgie esthétique sont rentrées dans les moeurs, à l'image de la série américaine Nip/Tuck. Un double sens en vérité aussi cruel qu'étonnant, et cependant si banal.
De la Corée du Sud aux Philippines en passant par la Malaysie et Taïwan, ce sont quatre femmes sur dix qui utilisent des crêmes blanchissantes. Et ce, bien qu'illégales et pour cause, un des principaux agents actifs, l'Hydroquinone, est d'une toxicité telle que l'emploi abusif de ces produits peut causer des dommages épidermiques irréversibles. Dégats qui se traduisent par l'apparition de plaque de peau rose albinos, ou d'un brun très foncé, sur les zones traitées ; ce qui n'est pas sexy. La commercialisation de ces crêmes est un phénomène récent, mais l'on fait déjà état de leurs ravages.
Un ancien du Pentagone, qualifié par une source qui souhaite garder l'anonymat de "loqueux sénile" et de "général Grant raté", a très vité émis la proposition d'utiliser les effets secondaires de l'Hydroquinone à des fins militaires. L'idée était de traiter de manière excessive avec ce type de crêmes des troupes d'élite qui pourraient évoluer ainsi nus, et donc silencieusement, de nuit comme de jour, grâce à un camouflage de type désert propre à leur épiderme et par conséquent aussi efficace que naturel. Le Pentagone s'avisa d'étudier la proposition à des fins d'opérations spéciales au Moyen-Orient, mais très vite il se rétracta. Cependant une autre idée fut émise un peu plus tard, celle d'utiliser des crêmes blanchissantes non toxiques cette fois, pour des combattants qui opéreraient dans des zones arctiques. Le Pentagone ne s'est pas exprimé sur cet autre sujet.
C'est en lisant la presse locale que Pynia Boonchun (voir photo en médaillon), qui ressemble à un caméléon sur un soldat américain nu ayant participé au programme issu de la proposition d'un ancien du Pentagone, que la jeune fille a eu vent de l'information. "Ca ne me fait pas du tout rire" a-t-elle déclaré, avant de se remettre à pleurer.
Au moins Pynia Boonchun n'est pas seule, en effet, elle risque fortement de croiser d'autres femmes qui auraient pu faire carrière dans l'armée américaine. Elles sont malheureusement des milliers en Asie à soufrir des dommages causés par ces crêmes.
Cependant le doute demeure : qu'est-ce qui peut bien pousser ces femmes asiatiques à utiliser des produits blanchissants, alors qu'en Occident on utilise des crêmes pour bronzer? Au passage l'auteur tient à préciser que le contenu de cette question n'est aucunement comique, il n'est donc pas question de rire jaune.

L'article du Herald Tribune nous renseigne sur la question : les sociologues ont longtemps débattus et restent encore divisés sur ce sujet.
En somme, deux écoles s'opposent: l'une explique ce phénomène par une rivalité de classes sociales et une volonté d'affirmer son appartenance à une catégorie plus aisée. Cela est assez simple à comprendre, le monde rural qui passe le plus clair de son temps à l'extérieur est tanné, alors que le monde citadin, associé à un meilleur niveau de vie et à une bonne éducation est bien plus pâle. Ainsi, avoir la peau blanche se traduit par la promesse d'une ascension sociale rapide.
La seconde école met en valeur un complexe d'infériorité à l'égard des magnats d'Asie centrale et des colonisateurs qui ont la peau pâle. Une caractéristique qui s'est imposée comme norme dans le processus de l'attraction physique.
Aucune de ces deux tentatives d'analyse ne permet de saisir le problème dans toute sa dimension. Sans doute la réalité se situe-t'elle entre ces deux théories.
Quoiqu'il en soit "quel bronzage tu as!" est une véritable insulte en Asie.

Mais le problème ne touche pas que l'Asie. En effet, il trouve des déclinaisons en Occident et les sociologues ne parviennent pas à expliquer les efforts entrepris par un individu dans le but d'avoir une peau orange. Les sociologues n'ont pas pu appliquer à l'Occident les théories qu'ils ont émises en ce qui concerne l'Asie, et cette attirance pour l'orange reste un mystère.
Cette situation n'est pas sans poser de problème dans un Etat comme les Pays-Bas, où le phénomène a pris une tournure excessive. Certaines personnes y expriment leur fibre nationaliste à travers un excès d'utilisation de lampes à UV et de fond de teint, ce qui n'est pas sans déplaire à certaines associations représentant des immigrants de seconde génération qui se sentent lésés et aimeraient que chacun dispose des mêmes moyens pour exprimer son appartenance à la nation. "C'est inadmissible, beaucoup parmi nous ont la peau brune ou légèrement basanée, on ne peut pas faire comme les hollandais de souche qui parviennent à se faire orangir la peau. Dans un pays tolérant, cette situation est intolérable" nous dit M. Suharno, le responsable d'une de ces associations.
La situation ne va pas plus loin et français, britanniques ou autres allemands et américains ne sont pas confrontés à ces problèmes. Espérons qu'à terme nous pourrons expliquer rationellement ces phénomènes curieux. Espérons aussi qu'à l'avenir Pynia Boonchun trouve d'autres moyens pour avoir sa photo dans le journal, et en attendant demain, je vous remercie de m'avoir lu.

02 mai 2006

En attendant demain...


Il est 01.44, je devrais dormir depuis un moment c'est vrai, car demain j'ai cours à 08h. Et pourtant, voilà un moment que l'idée me trotte dans la tête de créer un blog.
01.44 c'est une bonne heure pour créer un blog.
Je ne vais pas vous ressasser du lieu commun, un blog oui "parce que j'ai des choses à dire", mais bien un blog parce que je me dis des choses, et qu'il m'est apparu que penser utile ne serait sans doute pas une mauvaise idée.
Pour moi, étudiant en licence d'histoire et de science politique à la Sorbonne (Paris 1), penser doit être une activité constructive, d'autant plus que 21 ans, c'est l'âge des premiers choix importants, première expérience de la vie adulte, c'est aussi les premières pensées qui ne sont pas uniquement focalisées sur des paires de nichons ou le désir incontrôlé de ce que sera mon prochain plaisir.
En bref, voilà ce qui a précipité mon geste. Hier en compagnie de mon père, mon ami Léo et de ma copine Claire, que je salue tous avec insistance (coucou je suis là!), nous avons regardé un film fort intéressant puisqu'il s'agissait de Mon oncle d'Amérique, d'Alain Resnais. Autant vous dire que c'est le seul film de Resnais que j'ai vu, mais voilà qu'hier il m'a marqué, et cela grâce à un personnage, réel et non fictif, le professeur Henri Laborit, médecin et biologiste, auteur de Biologie et structure dont les thèses exposées dans cet ouvrage sont largement utilisées et constituent même l'essence du film de Resnais. J'y reviendrais un jour sans doute. Quoiqu'il en soit, voici que, cette nuit, dans mon lit et ayant raté le train du sommeil, je me disais qu'il faudrait que je demande à mon prof de sociologie générale quel a été l'impact des sociologues dans le développement du courant structuraliste, et réciproquement quel impacte le structuralisme a eu sur la sociologie en tant que science sociale. Inutile me dis-je, va prendre ton ordi, lance l'encyclopédie et va voir. Ce que je fis. Et voilà qu'après avoir cherché Henri Laborit, j'ai ensuite cherché structuralisme, dans l'article j'ai vu une photo de Michel Foucault tout sourire, quelle belle gueule.
Je ne m'attardais pas plus longtemps sur la photo, et de structuralisme je suis passé à philosophie afin de voir un peu ce qu'on y raconterait dans cet article. Il faut dire que éthique est un mot que j'ai beaucoup en tête depuis quelques temps. Et là, belle surprise, dans l'avant dernière partie de l'article : Le retour de l'éthique. Majestueuse pertinence (avec le Sanctus de la Grande messe en do mineur de Mozart derrière je ne vous raconte pas l'érection). Voilà j'ai lu la partie en question, et je me suis posé des questions, des choses me sont passées par la tête, et je me suis dit : y'en a assez de ces pensées qui ne font que passer. Crée ton blog, de toute façon tu en as déjà le titre : En attendant demain. Pourquoi un tel titre? Il faut dire que le choix ne souffre pas d'un excès de rationalité, demain c'est l'inconnu, demain tout peut changer, tout aura changé, d'une certaine manière tout continuera aussi, mais c'est aussi demain que vous irez consulter mon blog pour voir s'il y a un nouvel article. Sans doute est-ce un effet de l'environnement qui m'entoure mais, je ressens l'existence d'un vide tellement imposant au coeur des mots futur et avenir, que forcément le mot demain se trouve être le révélateur d'un tropisme particulièrement éloquent.
Je suis désolé. Désolé parce que déjà ce premier message est trop long. Il faut que je captive votre attention, car même si j'écris pour moi j'ai l'intention de me faire secouer par mes lecteurs. Alors milles excuses, les prochains articles seront plus courts tant il est désagréable de lire sur un écran ; rien ne vaut un bonne page en papier. Quoiqu'il en soit, ça y est mon blog est créé, je vais aller me coucher, alors en attendant demain, merci de m'avoir lu.