25 mai 2006

Histoire et mémoire : la République remise en question


Je ne me ferai ici que le modeste écho d’un débat qui anime la France depuis quelques années déjà, un débat qui peut paraître anodin, presque superficiel aux yeux de certains, mais qui touche en réalité à un groupe verbal bien mis à mal aujourd’hui : vivre ensemble.
Il s’agit d’un débat qui me passionne plus particulièrement étant donné que j’étudie l’histoire, je ne me voue pas forcément à la vocation d’historien, en revanche je me voue pleinement à celle de citoyen, voilà de quoi justifier cet article.

Dans le cadre de ce débat, plusieurs éléments sont à prendre en compte. Le premier est la Shoah qui, par son caractère d’événement historique incomparable, a été le moteur d’une dynamique mémorielle, et, on en comprend aisément la cause, c'est à dire le refus de la possibilité d'une réitération : plus jamais ça.
Second élément, le caractère pluriculturel et pluriethnique de la France, et de l’Europe de manière générale, trait dominant s’il en est de notre pays aujourd’hui. Troisième élément, les difficultés économiques que connaît notre pays depuis une trentaine d’année, qui se traduisent par des difficultés d’intégration et dont on pourrait ajouter comme facteur les politiques urbaines, mais aussi les politiques éducatives.

La logique mémorielle a commencé à s’installer voilà une trentaine d’année, c’est ce que l’historien Jean-Pierre Rioux appelle les Trente mémorieuses. Avant, rien de tel, la population, et certains groupes en particuliers ne manifestaient pas de revendications mémorielles. Ces groupes quels sont-ils ? Juifs, évidemment, mais leur revendication ne s’était pas faite dans la difficulté en raison de la reconnaissance unanime du caractère éminemment dramatique de la Shoah. Arméniens, qui en faisant pression sur le Parlement, ont permis, grâce à la loi du 18 janvier 2001 (voir le texte ici), de faire reconnaître le massacre des Arméniens de 1915 comme étant un acte génocidaire, ce qui exclut dès lors tout retour en arrière vis-à-vis de cette loi. Il ne faut pas oublier non plus la loi Gayssot qui sanctionne les discours négationnistes, visant particulièrement certains membres du Front National.

Avant cela, Chirac, avait reconnu en 1995 au Vel d’Hiv, la participation de l’Etat français à la Shoah. Vient ensuite la loi du 23 février 2005 sur le rôle positif de la colonisation française dont voici l’alinéa 2 de l’article 4 : Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit. (voir l’ensemble du texte ici).

À cela, il faut ajouter les attaques (à mon sens scandaleuses) du collectif des Guyanais, Antillais et Réunionnais, à l’encontre de l’historien Olivier Pétré-Grenouilleau pour son livre trois fois primé : Les traites négrières. Essai d’histoire globale. Cette affaire a précipité la formation d’un collectif d’historiens, qui signèrent une pétition, dite pétition des 19 (parmi lesquels René Rémond et Pierre Nora notamment), qui furent spontanément rejoints par six cent autres historiens français.

La situation aujourd’hui est très particulière, la République remet en cause son identité et donc son histoire nationale, forcément faite de mythes et façonnée par une idéologie qui n’est plus d’actualité. Pour en savoir plus, je recommande la lecture de l’ouvrage de René Rémond Quand l’Etat se mêle de l’Histoire, Stock, Paris, 2006, ainsi que celui de Jean-Pierre Rioux, La France perd la mémoire. Comment un pays démissionne de son histoire, Perrin, Paris, 2006, que je n’ai pas lu mais dont j’ai eu de très bons échos. Pour une réflexion sur le travail historique, un autre ouvrage que je n’ai pas lu mais qui est recommandé par la revue L’Histoire : Paul Ricoeur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Le Seuil, Paris, 2000.

Voilà, un article un peu rapide et forcément lacunaire, je reconnais que je ne suis pas expert sur les problèmes de mémoire et d’histoire mais j’espère vous avoir enrichit grâce à ces quelques pistes. Je reconnais le caractère un peu expéditif de mon analyse, mais j’invite en revanche chacun à réagir et à ajouter sa pierre à l’édifice, alors en attendant vos commentaires, je vous remercie de m’avoir lu.

3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Very interesting, my dear Stan. Une bonne synthèse, un peu longue et un peu engagée (mais je partage cet engagement), sur le débat actuel...

Amicalement,
Michaelski

9:17 PM  
Anonymous Anonyme said...

Après quelques clics (plus ou moins)hasardeux sur le net, je suis tombée sur ton blog.

Les premiers articles-essais (je ne sais pas comment tu les qualifies) étaient pour moi preuve d'une grande réflexion.

Mais je me demande après lecture de cet article sur l'histoire et la mémoire pourquoi tu l'as écrit ?
Au moins tu reconnais l'aspect rapide de ta réflexion. Pour ma part, je trouve que c'est baclé et que cela ne fait pas avancer le débat.

Désolée mais c'est de l'ordre des discussions de cafés...

2:08 PM  
Blogger Stanislas Kraland said...

Je ne prétends aucunement à faire avancer le débat, du moins pas ici. Car si la question m'intéresse, il ne me semble pas être dans mes capacités de faire avancer un tel débat ; et ce n'est pas être humble que de le dire.

En revanche, et c'est sans doute le pourquoi de mon blog, je préfère me faire l'écho d'un débat, donner quelques clés, à travers des lectures notamment.

Je pense que mon blog, n'a ni la nature, ni l'audience, propre à faire avancer un tel débat.

Si j'ai délaissé le côté plus ou moins essayiste, qui était d'ailleurs à l'origine de mon envie d'écrire, c'est tout simplement parce que ces dernières semaines ont été pour moi chargées de travail.

Je n'ai que rarement eu l'occasion de m'échapper, de me laisser aller à l'heuristique, ou à une réflexion plus poussée.

J'en suis tout à fait conscient, et j'ai hâte de pouvoir retrouver cette envie qui aujourd'hui me manque.

Reste que pendant tout ce temps, la priorité pour moi est d'écrire.

Comme tu l'as peut être vu, je suis à la fac, et à la fac, on n'écrit pas, ou trop peu. C'est une frustration. Je considère qu'il est important de savoir écrire, mais moi je ne le sais pas, voilà l'autre raison de mon blog. Ecrire quitte à ne rien faire avancer, quel intérêt? Je ne cherche parfois pas bien loin l'intérêt, et le blog, à le mérite d'être un média qui force à garder la machine en marche.

Les premiers articles étaient issus d'une envie très forte d'écrire. Les plus récents beaucoup moins, et c'est presque par obligation que je les ai rédigés, souvent, comme tu l'as vu, très rapidement, rarement en plus d'une vingtaine de minutes...

Cela dit, ça me va, en attendant d'avoir plus de temps.
Malgré tout, l'échec que tu mets en valeur en ce qui concerne Histoire et mémoire, me touche profondément dans le sens ou les premiers articles t'ont intéressé.

Je t'invite à tenter de faire avancer le débat sur Histoire et Mémoire si tu le souhaites, c'était le but de l'article, et je serai ravi qu'il soit à l'origine de quelque chose d'intelligent.

A très bientôt.

2:28 PM  

Enregistrer un commentaire

<< Home