08 juillet 2006

Le lieu de mémoire, Dreyfus, Zola et Coluche


Tout faux! La présidence a annoncé hier, mercredi 5 juillet, que Dreyfus n'entrera pas au Temple de la" Patrie reconnaissante" : triste misère. Tout porte à croire que le Panthéon ne sert plus à rien, à l'heure où, précisément, il pourrait être fort utile à la Nation française.

Encore faudrait-il s'accorder sur l'utilité d'un tel monument? Le titre d'un article de Mona Ozouf est à ce sujet particulièrement éloquent : Le Panthéon ou L'école normale des morts . Cet article montre comment l'on a fait une utilisation du Panthéon aussi large qu'est la distance entre la rue d'Ulm et le monument en question (autrement dit, très limitée). Remettre en cause les grands hommes qui reposent au Panthéon n’a aucun sens ; Voltaire, Rousseau, Braille, Berthellot et Malreaux y ont leur place, tout comme Zola.

Zola, l'auteur de célébrissime J'accuse, dans L'aurore, journal qui si ne m'abuse entre les mains d'un certain Clémenceau. Cette considération nous renvoie en plein coeur du débat concernant l'admissibilité (les normaliens comprendront ce pied de nez) de Dreyétait alorsfus au sommet de la montagne Sainte-Geneviève. Dreyfus doit rentrer au Panthéon. Dans son livre Alfred Dreyfus, l'honneur d'un patriote, édité chez Fayard, l'historien Vincent Duclert plaide en faveur de l'entrée de Dreyfus. Son livre, comme le souligne Roger Cohen dans son éditorial (Page Two) du International Herald Tribune de ce jeudi 6 juillet, montre bien que Dreyfus n'est pas, selon la vision largement répandue, la victime passive, témoin de sa propre tragédie, mais bien le champion de son innocence.

Mais à la rigueur, qu'importe! Le Panthéon est un outil au service de la cohésion nationale, et non pas le témoin de pierre d'une prétendue vérité. Peu nous importe le rôle précis de Dreyfus. La République a une prétention, nous faire vivre ensemble. Dès lors, faire rentrer Dreyfus au Panthéon est un acte courageux. Jean-Louis Lévy, le petit-fils de Dreyfus, a peur, nous rapporte Roger Cohen toujours dans le même éditorial. Sa peur est motivée par l'éventualité du développement d'une vague d'antisémitisme si Dreyfus serait amené à rentrer au Panthéon. À juste titre, le climat qui règne en France a de quoi effrayer, et l'affaire Ilan Halimi en a témoigné de manière dramatique. Effectivement il peut y avoir confusion sur la nature du Dreyfus que l'on ferait rentrer au Panthéon : s'agirait-il du juif Dreyfus, ou du fonctionnaire Dreyfus, amoureux de la République et fidèle à ses origines juives, comme il est souligné Pierre Birnbaum dans un article du Monde? Oui la question pose problème, mais ce problème est un faux problème en réalité. Il va de soi qu'en vertu de la loi de 1905 c'est le second Dreyfus qui serait panthéonisé, et non pas le premier, et chaque citoyen responsable saurait s'en rendre compte. Ce serait au passage une belle occasion de battre le rappel de cette loi.

Certes Dreyfus n’a rien d’un grand homme, d’ailleurs les opposants à son intronisation au Panthéon soulignent bien le fait qu’il s’agit d’une victime. Après tout, il est vrai que Dreyfus n’est rien d’autre qu’un militaire juif alsacien, tout ce qu’il y a de plus commun, et certains auront raison de souligner la morosité du personnage. Mais Dreyfus n’est que la forme, la question de fond est celle des modalités d’utilisation des lieux de mémoire comme le Panthéon. Il existe à Paris une statue de Dreyfus, boulevard Raspail, on passerait à côté sans même la remarquer. Ce n’est pas comme cela que l’on entretient le souvenir des combats républicains passés. En revanche, ce n’est pas parce qu’un fronton prône une condition d’admission, dont les limites ne sont pas clairement définies, que l’on doit se cantonner à une utilisation trop étroite du lieu de mémoire. Qu’est-ce qu’un « grand homme » ? On doit faire preuve de flexibilité, car les définitions les plus strictes conduisent souvent à l’immobilité, et que l’on le veuille ou non, tout change, et disparaît ce qui n’est pas capable d’accompagner la marche forcée de ces évolutions.

Il semble que l'Elysée, qui n'a pas justifié avec solidité la non intronisation de Dreyfus, frileuse, fragilisée par une fin de règne difficile, soit en train de commettre une erreur profondément indigne. La présidence paraît s'effrayer de prendre la responsabilité d'une recrudescence de l'antisémitisme, mais si recrudescence il y a, ce ne sera jamais sans un débat, et un débat a toujours le mérite d'agiter les neurones des citoyens car ceux-ci en ont besoin. Le débat, c'est aussi l'essence de la démocratie, et la démocratie, l'essence de la République. La position de l'Elysée est par conséquent inacceptable, et l'on voit bien à quel point l'idée de notre nation, ses mythes et ses dieux, échappent aux mains des pouvoirs publics qui n'osent plus les instrumentaliser à des fins lucratives pour l'ensemble de la communauté française.

Le secrétariat général de l'Elysée se défend d'une telle position, et ne se justifie qu'autour du débat historiographique autour du personnage de Dreyfus, ainsi que par le fait que ses défenseurs Zola, et Jaurès, sont au Panthéon. Voilà encore une considération inutile qui montre que l'on a toujours pas compris comment se servir de cet outil formidable qu'est le Panthéon.

Le Panthéon pourrait être mille fois mieux instrumentalisé. Le problème est que l'on y fait plus rentrer d'hommes fédérateurs. A quand la panthéonisation de Coluche? Et il ne s'agit pas ici d'une mauvaise blague, mais d'une idée qui pourrait, il me semble porter ses fruits. Quoi de tel qu’un comique, acteur, homme de cœur, véritable incarnation de la solidarité, pour raviver un sentiment de fierté, d’appartenance, réveiller le sens des responsabilités et du respect d’autrui. Il est vrai que tout ne va pas si mal, après tout la France est en finale, mais envisagera-t-on, un jour, de faire rentrer Zidane au Panthéon? Sur cette conclusion prématurée, veuillez m'en excuser, je vous remercie de m'avoir lu.

20 juin 2006

Coke philosophie


Il ne s’agit pas ici de sniffer une ligne puis de réfléchir aux normes qui devraient gouverner le monde, mais bien de parler d’une canette de Coca, de sa commercialisation, et de ce que cela peut nous apporter dans la compréhension de la nature humaine : on va s'éclater.

Coca-Cola est la seule marque au monde qui emploie le même slogan dans l’ensemble des pays où le produit est commercialisé : Always, Toujours, Altijd, Siempre etc. Ajoutons que Coca-Cola est la boisson la plus bue au monde. Je me suis souvent dit qu’un bon moyen de comprendre l’Homme n’était pas de s’intéresser démesurément aux cas particuliers, mais bien de partir de ces cas pour trouver les constantes, les constantes, seules les constantes, et rien que les constantes. Nous en avons, avec l’éternité annoncée par biais de canettes rouges, identiques partout au demeurant, un bel exemple : merci Coca.

Tous les hommes ont donc conscience du temps qui s’écoule…et tendent à l’éternité (en se gavant d’une boisson hypercalorique) ? Bien sûr que non, ce n’est pas le cas, et l’expérience avant même la raison pourrait nous fournir la preuve du contraire. Reste que l’on peut fédérer les hommes avec une abstraction aussi simple que l’éternité et une boisson aussi sucrée que vendue, chacun reste pourtant unique, canette de Coca ou pas : alors Coca-Cola, rêve d’unité ou humanisme tronqué ?

Je suis tout à fait conscient de l'inutilité de ce message et je l'assume complètement. Merci de rediriger mes lecteurs, par le biais des commentaires, vers des weblogs audacieux, instructifs et enthousiasmants.

07 juin 2006

Pour un journal populaire


On appellera cela synchronisme ou hasard, hier deux évènements, l’un très médiatisé, l’autre pas, ont concordé. Le hasard ne fait rien qui n’y soit préparé à l’avance écrivait Tocqueville, et je vous en apporte la preuve grâce à ces quelques lignes.

Hier, j’avais rendez-vous avec Patrick Eveno, maître de conférence à Paris 1 et historien des médias. Nous devions nous entretenir une vingtaine de minutes, dans le cadre d’une enquête sur la presse quotidienne nationale (PQN) ; une enquête que je réalise avec quelques camarades de l’UFR de science politique. Évidemment notre enquête était problématisée autour de la crise de la PQN, et l’arrivée sur la place publique des quotidiens gratuits tels que Métro ou 20 minutes, figurait parmi les enjeux que nous devions tenter d’analyser.

Hasard ou synchronisme, c’est aussi hier, mardi 6 juin, qu’est sorti le premier numéro d’un nouveau quotidien gratuit, du soir cette fois-ci : Directsoir. L’enquête que mes camarades et moi avions mené avait révélé un manque spécifique à la France, un manque que cristallisait la crise de France Soir : l’absence d’un véritable quotidien populaire. Outre Manche, le Sun, pour ne citer que ce tabloïd-ci, c’est quatre millions de ventes par jour, six millions de lecteurs quotidiens. La PQN française jouit d’une image d’excellence et il y a eu véritablement un hiatus entre cette image et la possibilité de créer un journal véritablement populaire, si bien qu’aujourd’hui, c’est la gratuité qui offre à Directsoir la possibilité d’exister.

Comme me l’expliquait Patrick Eveno, la France n’a pas su, à la différence des Britanniques, prendre le virage populaire au cours des années cinquante et soixante. La crise de la PQN est donc bien plus ancienne. La France, fantastique muséum en plein air avec de la bonne bouffe, snobe le vulgaire tabloïd anglais, et enfonce sa PQN et sa presse régionale dans l’austérité. Le vent semble avoir tourné avec Directsoir. N’aurait-il pas tourné avec Metro et 20 minutes ? Différence fondamentale, Directsoir comme son nom l'indique n’est pas du matin. De ce critère découle l’ensemble du journal, pas de mots croisés ni de sudokus - qui ont fait le succès des deux autres gratuits - mais de l’information, de la culture, et évidemment du people (n’a-t-on pas le droit de rêver en sortant du boulot ?). Du coup, Directsoir, c’est aussi le journal que l’on a dans sa main ou dans son sac lorsque l’on rentre à la maison.

Selon la formule de Boloré, à l’origine de ce journal, Directsoir c’est le « quotidien populaire qui incite à sortir du quotidien ». Boloré a lancé Directsoir en la compagnie entre autres de Philippe Labro, un vieux de la vieille des médias populaires (dont vous pouvez voir la bio ici). Une bonne équipe pour un gratuit de qualité, pas pédant pour un sou, et doté d’une infographie qui offre de multiples ouvertures au lecteur, qui n’est rien de plus que potentiel lorsqu’on lui met le journal dans les mains. Pas d’extravagances, des formes et des encadrés simples, un grand format 29,8 sur 39 centimètres qui permet d’autant mieux de rentrer dedans. Des articles, des citations, et des photos, beaucoup de photos, quatre-vingt par numéro. Le journal se divise ensuite selon quatre séquences : les évènements phares, l’actualité, le sport et la culture, enfin, la vie des people et la télévision. Enfin une diffusion relativement large, 500 000 exemplaires, à la criée, dans quinze villes de France, et un budget impressionant : vingt millions d’euros.



Hier, j’ai donc été agréablement surpris, et heureux de voir qu’une telle initiative ait pu être prise en France. J’ai lu le numéro un, et j’ai quitté la bibliothèque plus tôt pour voir ce que celui d’aujourd’hui donnerait. J’étais dans le quartier des Halles et il m’a été extrêmement facile de trouver le point de distribution, tout le monde avait Directsoir en main, il m’a été donc aisé de remonter à la source. On m’a donné le journal, j’ai levé la tête et j’ai regardé autour de moi. Tout le monde avait les yeux plongés dans les pages du nouveau gratuit. J’ai lu le numéro 2, qui comble d’ironie, s’est permis un pied de nez en saluant la sortie de la nouvelle formule de France Soir.

Je me félicite en tout cas de l’arrivée de Directsoir, un véritable quotidien populaire, car comme me le disais M. Eveno : le but d’un journal, n’est-il pas de mettre sur la place publique? Il me disait aussi, que la lecture c’est important, rien à voir avec l’écoute ou la télévision, car « quand on lit on réfléchit ». Je ne saurai être en désaccord avec lui ce soir, et en attendant demain, je vous remercie de m’avoir lu.

03 juin 2006

Nos oreilles ont de l'avenir


Qui a dit que la radio était morte, supplantée par le règne indigne de la télévision?
Rien n'est plus faux. Les nouvelles technologies : Internet, le haut-débit, les supports matériels audios (ipod, archos, clés usb de toutes sortes et tant d'autres), ont donné un souffle nouveau à la communication audio. De nouveaux horizons se sont ouverts, la démocratisation est en marche. La dictature du temps, celle de la programmation radiophonique, est déclassée et laisse la place à plus de libertés ; notamment grâce à un support : le podcast.

Désormais, on peut télécharger des émissions de radio sur son ordinateur, les transférer sur un balladeur mp3, et les écouter à sa guise en fonction de son humeur. Une révolution? N'existaient-ils pas de balladeurs tuner avant? Oui bien sûr, mais la révolution est dans la flexibilité, la plasticité, et la diversification.
Cela étant dit, le podcast ce n'est pas que la radio, c'est ouvert à tout le monde, et chacun peut créer à l'envie son podcast et le mettre à la disposition du public. Le podcast, est à l'émission de radio, ce que le site, ou le blog, est au web. Les implications et les perspectives du podcasting sont multiples et enthousiasmantes. Imaginons leur avenir dans le cadre de l'enseignement, du civisme, de l'information publique et de la création artistique.

Le podcast, audio donc, a cet avantage sur l'audiovisuel qu'il n'est fait que de mots et de sons. Voilà l'alternative à l'hégémonie de l'image, le contrepoids raisonné à l'extraordinaire et au sensationnel ; en somme, le porteur d'un équilibre au sein des médias qui, jusqu'alors, faisait défaut.

Pour ma part je suis un gros consommateur. J'ai découvert le podcast il y a quelques mois, et depuis, j'ai largement pris mes habitudes et j'ai mes préférences. Chaque samedi, c'est avec impatience que j'attends la fin du téléchargement de l'émission de Jean-Noël Jeanneney Concordance des Temps (cliquez vous y êtes). Tous les matins, avant de partir, je télécharge et transfère sur mon ordinateur Les matins de France Culture de Nicolas Demorand. Demorand est un de ces animateurs représentatif d'un journalisme nouveau et jeune, qui mêle enthousiasme, précision, intégrité, curiosité et efficacité. Je suis fan. Je télécharge aussi régulièrement l'émission 2000 ans d'histoire de Patrice Gélinet, ainsi que l'émission hebdomaire d'Alain Finkielkraut intitulée Répliques. Le podcast c'est aussi l'accès aux informations venant de l'étranger, et un bon moyen de s'accoutumer à une langue. En ce qui me concerne, j'entretiens mon anglais en écoutant régulièrement les podcasts du journal britannique The Guardian.

Vous trouverez d'autre part toutes les informations et un bon moteur de recherche de podcasts sur le site touslespodcasts.com. Inutile donc d'attendre demain, car les podcasts, c'est pour aujourd'hui.

31 mai 2006

En attendant la peau de Villepin, Zero nous propose celle de Chirac


Je suis face à un dilemme. Si vous êtes lecteur régulier de mon blog, vous aurez remarqué que chaque article est illustré d’une photo en médaillon. Mais là, avec qui illustrer ? Avec Chirac ? car oui je vais vous parler du film, ou avec Villepin pour vous rappeler qu’il n’a toujours pas été limogé ? ce qui est proprement scandaleux, d’autant plus que tout le monde à l’air de s’en foutre. Vive la France ! Vive la République !

Ces derniers mots, on les entend à maintes reprises dans le film de Zero Dans la peau de Jacques Chirac. Un montage de documents d’archive sur fond de fausse voix-off de Chirac, retraçant son parcours politique, ses principes, ses méthodes.

C’est pas mal en fin de compte. L’exercice est davantage comique que polémique, mais bel et bien réussit. C’est un film pour citoyen qui a besoin de détente, pas pour cinéphiles. Bien que ses deux attributs soit conciliables. L’un des principaux caractère de notre président mis en valeur par le film est son manque d’honnêteté le plus complet, et c’est peu dire. En somme, on a droit à une démonstration visuelle et sonore de ce que l’on sait déjà. Se pose alors la question du respect en politique. Chirac est un vaurien, Villepin devrait être traîné dans la boue, et Sarkozy n’est pas plus respectueux non plus, surtout à l’égard des sans papiers, même si une certaine fermeté peut être parfois nécessaire, néanmoins dans certains cas, elle s’avère injustifiable et inhumaine. Quid de l’éthique en matière de politique ? La compétition paraît tellement féroce que le respect du peuple, de ses adversaires, et de l’Homme, ne semble pas avoir sa place au sein de l’arène politique.
Mais les hommes ont-ils pu un jour gouverner sans avoir le souci de combattre leurs adversaires qui qu'ils soient ?

On pense immédiatement à Machiavel, pour qui la politique était loin d’être une lutte pacifique, mais les choses ont changé depuis. Tous sont obligés de se plier à des règles, mais ces règles semblent avoir faire leur temps, elles ne doivent pas disparaître pour autant, bien au contraire ; car désormais, c’est une autre attitude qui doit s’éteindre, et par la même laisser sa place à de nouvelles valeurs. Utopiste ? Sans aucun doute, mais si vous aimez Hugo, et comme aime à le rappeler mon ami Walid, « L’utopie est la vérité de demain ». Et puis pour la photo, oui, j’ai opté pour Machiavel, non sans ironie.

29 mai 2006

En attendant de trouver un sujet...


Il est hors de question de laisser mon blog mourir. Du coup, n’ayant pas vraiment d’idée d’article, et étant d’humeur médiocre (concept intéressant d'ailleurs, l'humeur, que regroupe-t-elle?), je vais faire ici ce que je préfère, communiquer sur ce que j’aime, ce que j’ai aimé, et, pourquoi pas, vous faire découvrir ainsi quelque chose, un film, un livre, une émission, un je ne sais quoi dont vous seriez peut être heureux de prendre la connaissance.

Pour commencer, Volver, le film d’Almodovar, les critiques en parleront mieux que moi, toujours est-il que j’ai mon mot à dire. Sorti de la salle, chacun était ravi, mais pas moi. Vraiment, je n’avais quasiment rien ressenti pendant la projection, tout juste avais-je souri à une ou deux reprises, mais jamais je ne fus ému. Ce n’est qu’après coup, laissant au film le soin d’occuper mes pensées les jours qui ont suivi, que j’en ai peut-être compris l’intérêt, pour ne pas dire la beauté, car la beauté se comprend-elle ?
Oui, c’est ça, Volver ce n’est pas un bon film, ce n’est ni un beau film, c’est quelque chose d’entre les deux, loin d’être mauvais, loin d’être laid, mais vraiment pas parfait. En fait, pour faire simple, Volver, c’est une femme.

Samedi, ça n’allait pas. J’étais dans une de ces journées où l’on ne sait plus vraiment pour quelle raison on est là, c'est réducteur mais simplement, voilà l'état dans lequel j'étais ; toujours est-il, qu’une fois levé, il fallait bien qu’elle passe cette journée.
Je ne savais pas où aller, ni quoi faire, mais fête des mères oblige, passage dans une librairie, recherche rapide, cadeau trouvé ; et bien plus encore puisque j’ai découvert ce livre qui a donné un peu plus de sens à ma journée. Ce livre n’a rien de méchant, ni de prétentieux, il s’appelle Voyage aux pays du coton, sous-titre : Petit précis de mondialisation, et a été écrit par Erik Orsenna. Ca se lit très vite.
Là encore, je vous renvoie aux critiques, mais vraiment je souhaite vous informer de la qualité de l’ouvrage. S’il est bien écrit, il n’a aucune prétention littéraire. Le concept est simple, Erik Orsenna a cherché à comprendre un peu mieux le monde dans lequel il vit en suivant une plante, une matière dite première, qui pousse aux quatre coins du globe, et que l’on trouve sur ses vêtements, ainsi que dans sa nourriture quotidienne, c’est le coton. Voyage aux pays du coton, c’est l’œuvre d’un curieux, et donc j’invite tous les curieux à le lire, d’autant plus que l’on est ravi de passer en tournant quelques pages du Mali aux Etats-Unis, des Etats-Unis au Brésil, du Brésil à l’Egypte.

Dans ce livre on croisera des lobbyistes américain, des babas généticiens bossant pour Monsanto, des Chinois très critiques à l’égard de la France, des hommes plein de bonne volonté, d’autres bien moins combattifs, bref de la diversité, donc de l’enrichissement et de l’ouverture, vraiment de quoi doper l’entendement. On pourrait disserter des lignes durant, et en somme je ne vous apprends rien de plus que ne le peut la quatrième de couverture, mais je préfère m’arrêter là et réitérer mon invitation à attaquer cet ouvrage, et en attendant que vous en commenciez la lecture, je vous remercie de m’avoir lu.

25 mai 2006

Histoire et mémoire : la République remise en question


Je ne me ferai ici que le modeste écho d’un débat qui anime la France depuis quelques années déjà, un débat qui peut paraître anodin, presque superficiel aux yeux de certains, mais qui touche en réalité à un groupe verbal bien mis à mal aujourd’hui : vivre ensemble.
Il s’agit d’un débat qui me passionne plus particulièrement étant donné que j’étudie l’histoire, je ne me voue pas forcément à la vocation d’historien, en revanche je me voue pleinement à celle de citoyen, voilà de quoi justifier cet article.

Dans le cadre de ce débat, plusieurs éléments sont à prendre en compte. Le premier est la Shoah qui, par son caractère d’événement historique incomparable, a été le moteur d’une dynamique mémorielle, et, on en comprend aisément la cause, c'est à dire le refus de la possibilité d'une réitération : plus jamais ça.
Second élément, le caractère pluriculturel et pluriethnique de la France, et de l’Europe de manière générale, trait dominant s’il en est de notre pays aujourd’hui. Troisième élément, les difficultés économiques que connaît notre pays depuis une trentaine d’année, qui se traduisent par des difficultés d’intégration et dont on pourrait ajouter comme facteur les politiques urbaines, mais aussi les politiques éducatives.

La logique mémorielle a commencé à s’installer voilà une trentaine d’année, c’est ce que l’historien Jean-Pierre Rioux appelle les Trente mémorieuses. Avant, rien de tel, la population, et certains groupes en particuliers ne manifestaient pas de revendications mémorielles. Ces groupes quels sont-ils ? Juifs, évidemment, mais leur revendication ne s’était pas faite dans la difficulté en raison de la reconnaissance unanime du caractère éminemment dramatique de la Shoah. Arméniens, qui en faisant pression sur le Parlement, ont permis, grâce à la loi du 18 janvier 2001 (voir le texte ici), de faire reconnaître le massacre des Arméniens de 1915 comme étant un acte génocidaire, ce qui exclut dès lors tout retour en arrière vis-à-vis de cette loi. Il ne faut pas oublier non plus la loi Gayssot qui sanctionne les discours négationnistes, visant particulièrement certains membres du Front National.

Avant cela, Chirac, avait reconnu en 1995 au Vel d’Hiv, la participation de l’Etat français à la Shoah. Vient ensuite la loi du 23 février 2005 sur le rôle positif de la colonisation française dont voici l’alinéa 2 de l’article 4 : Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit. (voir l’ensemble du texte ici).

À cela, il faut ajouter les attaques (à mon sens scandaleuses) du collectif des Guyanais, Antillais et Réunionnais, à l’encontre de l’historien Olivier Pétré-Grenouilleau pour son livre trois fois primé : Les traites négrières. Essai d’histoire globale. Cette affaire a précipité la formation d’un collectif d’historiens, qui signèrent une pétition, dite pétition des 19 (parmi lesquels René Rémond et Pierre Nora notamment), qui furent spontanément rejoints par six cent autres historiens français.

La situation aujourd’hui est très particulière, la République remet en cause son identité et donc son histoire nationale, forcément faite de mythes et façonnée par une idéologie qui n’est plus d’actualité. Pour en savoir plus, je recommande la lecture de l’ouvrage de René Rémond Quand l’Etat se mêle de l’Histoire, Stock, Paris, 2006, ainsi que celui de Jean-Pierre Rioux, La France perd la mémoire. Comment un pays démissionne de son histoire, Perrin, Paris, 2006, que je n’ai pas lu mais dont j’ai eu de très bons échos. Pour une réflexion sur le travail historique, un autre ouvrage que je n’ai pas lu mais qui est recommandé par la revue L’Histoire : Paul Ricoeur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Le Seuil, Paris, 2000.

Voilà, un article un peu rapide et forcément lacunaire, je reconnais que je ne suis pas expert sur les problèmes de mémoire et d’histoire mais j’espère vous avoir enrichit grâce à ces quelques pistes. Je reconnais le caractère un peu expéditif de mon analyse, mais j’invite en revanche chacun à réagir et à ajouter sa pierre à l’édifice, alors en attendant vos commentaires, je vous remercie de m’avoir lu.